Reconnaître la douleur

La douleur neuropathique, ce n’est pas « que » de la douleur

Sensations de décharges électriques, de froid ou de brûlure, fourmillements, hypersensibilité au contact… Ces douleurs étranges peuvent être neuropathiques.

Les douleurs neuropathiques sont particulières. Elles peuvent survenir lorsque le système nerveux est lésé suite à une maladie (cancer, diabète, zona…), un traumatisme ou une opération chirurgicale. Elles se traduisent par des douleurs « bizarres » type de brûlure, de froid, de décharges électriques, mais aussi par des sensations désagréables de fourmillements, d’engourdissement, d’hypersensibilité ou d’insensibilité de la peau. Selon la cause, les douleurs neuropathiques peuvent être localisées à une zone très précise ou plus étendues sur le corps.




Les douleurs neuropathiques, des douleurs difficiles à expliquer

On sait aujourd’hui que les douleurs neuropathiques sont particulièrement sévères, durables et néfastes à la qualité de vie¹ : elles méritent donc au moins la même attention que toute autre douleur chronique. Et elles ne sont pas rares : On estime qu'environ 7 à 10 % de la population mondiale souffre d'un type de douleur neuropathique chronique². Pourtant, elles restent méconnues, sous-évaluées et diagnostiquées tardivement³. Entre l’apparition d’une douleur neuropathique et son diagnostic, il s’écoule en moyenne un an et demi³ ! Il faut dire que ces douleurs, souvent invisibles, sont complexes : étranges, capricieuses, déroutantes, elles peuvent être difficiles à comprendre et à décrire au médecin.




Des conséquences néfastes pour le bien-être et la santé

Face à l’expression inhabituelle de ces douleurs, certains patients minimisent : il ne faut pas se plaindre, déranger le médecin « pour si peu ». D’autres pensent que c’est « dans leur tête », qu’ils ne seront pas crus et passeront pour des malades imaginaires. Certaines personnes encore, non soulagées par des antalgiques courants sans savoir que les douleurs neuropathiques nécessitent une prise en charge spécifiques, s’imaginent qu’il n’y a « rien à faire ». Beaucoup tentent d’ignorer leur douleur et comptent sur le temps.

Mais une douleur qui dure est usante, moralement et physiquement. Elle peut « gâcher la vie » en retentissant sur le bien-être, les relations avec les autres et les activités quotidiennes. Elles favorisent les troubles du sommeil, le stress, l’anxiété et la déprime, mais aussi, du fait des contractures musculaires, des mauvaises postures et/ou de la sédentarité qui entraînent elles-mêmes d’autres douleurs.




Des douleurs et d’autres sensations

Contrairement aux douleurs « ordinaires » dites nociceptives, qui activent des récepteurs de la douleur sur les terminaisons nerveuses des tissus de l’organisme, les douleurs neuropathiques proviennent d’une lésion du système nerveux « somatosensoriel » lui-même. Or c’est lui qui est chargé de transmettre au cerveau les signaux douloureux et sensitifs comme le toucher, la pression, le chaud, le froid... Résultats : les douleurs sont ressenties par des élancements, des chocs électriques ou des brûlures et s’accompagnent de multiples sensations gênantes et déroutantes : hypersensibilité au contact, picotements, fourmillements, démangeaisons, mais aussi engourdissement et perte de sensibilité.




Des douleurs qui se mêlent ou amènent à d’autres douleurs

Les douleurs neuropathiques peuvent être le seul type de douleur ressenti. Par exemple, suite à un zona, la douleur nociceptive liée à l’infection peut laisser la place à une douleur liée aux dommages que l’infection a causé sur les nerfs. Mais elles peuvent aussi survenir en même temps que des douleurs nociceptives. Ainsi, quand une hernie discale des lombaires irrite la racine du nerf sciatique ou qu’une tumeur cancéreuse appuie sur des tissus comprenant des nerfs, il y a « douleur mixte ». Les douleurs neuropathiques peuvent aussi engendrer des contractions musculaires réflexes autour de la zone affectée qui, à la longue, vont entraîner d’autres douleurs.




Des douleurs qui accompagnent ou induisent des maladies

Quand la maladie ou la lésion qui a causé une douleur neuropathique est chronique, celle-ci peut perdurer sur le long terme. C’est par exemple le cas pour certains cancers, l’infection par le HIV ou le diabète – même si celui-ci est bien contrôlé. Il y a alors « double peine » !

Plus encore que d’autres douleurs chroniques, les douleurs neuropathiques sont fatigantes et stressantes, nuisant à la qualité de vie⁴. Elles peuvent ainsi fragiliser l’équilibre neuropsychique et favoriser des insomnies et des dépressions. Ces dépressions peuvent même aggraver la maladie qui a causé les douleurs neuropathiques⁴ : par exemple, les diabétiques qui ont une dépression ont davantage de risques de complications diabétiques. Enfin, chez les personnes âgées en particulier, les douleurs neuropathiques augmentent le risque de chute et de troubles cognitifs (de la mémoire, la concentration, etc.).

Les douleurs neuropathiques, ce n’est donc pas « seulement » avoir mal. Elles doivent être identifiées au plus tôt pour être traitées spécifiquement et ne pas engendrer d’autres troubles en cascade.




Que pouvez-vous faire?

Il existe des options de traitement. Cependant, il est important de consulter votre médecin pour obtenir des conseils concernant votre condition.

Si vous souffrez de douleur chronique nous vous conseillons de compléter le « questionnaire sur ma douleur » et de consulter votre médecin. Le questionnaire sur ma douleur est un outil utile pour aider à communiquer plus efficacement la douleur avec un médecin et l'aide à établir un diagnostic précis de la cause de la douleur chronique. Il vous aidera à décrire la douleur chronique, sur quelle partie de votre corps elle survient et s’il existe des facteurs déclenchants. Avant votre consultation, pensez à compléter précisément le questionnaire, et imprimer-le pour pouvoir en discuter avec votre médecin.

De plus, le journal de bord peut être utilisé pour documenter et suivre la douleur d'une personne; comment elle se sent au quotidien, si elle s'en sort, son niveau actuel de douleur et les effets indésirables des traitements prescrits/recommandés.

Il est également important d'être réaliste quant aux attentes de tout traitement. Bien que la plupart des personnes souhaitent éliminer complètement leur douleur, réduire la douleur à un niveau gérable qui permet de reprendre des activités qui mènent à une vie épanouissante est peut-être un objectif plus réalisable pour de nombreux patients.

La douleur chronique peut être difficile à comprendre et à gérer au quotidien. La trousse à outils CHANGE PAIN vous fournit des conseils et astuces pratiques sur l'autogestion.



  • Références

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    SFETD. Livre blanc de la douleur (2017).


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    Verdu, B., Decosterd, I. (2008). 'Douleurs neuropathiques : quelques pistes pour une évaluation structurée et une prise en charge spécifique et globale', Rev Med Suisse 2008; volume -6. no. 162, 1480 - 1490.


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    Attal N, Lanteri-Minet M, Laurent B, Fermanian J, Bouhassira D. The specific disease burden of neuropathic pain: results of a French nationwide survey. Pain. 2011 Dec;152(12):2836-2843.


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    Martinez V, Attal N, Bouhassira D : Les douleurs neuropathiques chroniques : diagnostic, évaluation et traitement en médecine ambulatoire, recommandations pour la pratique clinique de la SFETD, Douleurs, Evaluation- diagnostic- traitement ( 2010) 11, 3-21.


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